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d'un côté lombril et de l'autre nombril, le premier dans le langage populaire, tant en France qu'en Acadie, le second dans les écritures.
Quant à lambouri, ou lambouric, ce mot nous est assurément venu de la Touraine ou du Berri, où il se conserve encore. La langue scientifique a gardé lombri, vers de terre.

L mouillé

L'l mouillé, représenté par ll, n'existe pas en Acadie, non plus que dans la province de Québec. Nous amuissons les deux ll en un ye, ou en un yod palatal, et nous disons, comme en France, d'ailleurs : boutè-ye, fami-ye, consé-ye ; mais nous ne rendons pas le timbre cristallin de l'l proprement mouillé. Cette dernière manière, très difficile à saisir, plus difficile à rendre, est à la veille de disparaître, en France, malgré les efforts désespérés de Littré et de plusieurs autres linguistes pour l'y maintenir.
Ce son n'a pas été connu de toutes les provinces où s'est parlée la langue d'oïl : (oïl lui-même représente ce son) ; il est plutôt particulier aux départements qui avoisinent la Suisse nomande.
Les ll doublés ne s'adoucissent pas dans tous nos mots. Nous disons a-li-eurs (pour ailleurs), comme on le disait, à Paris, au temps du grammairien Ménage, et comme le disait le Roi-Soleil lui-même.
Vaillant, avec le sens de possesseur de capital, d'avoir, se prononce, comme dans les provinces de France, valant : il n'a pas un sou valant. Dans le sens d'ardeur, d'assiduité au travail, ou encore de santé, nous disons va-y-ant, c'est un garçon bien va-y-ant, une fille va-y-ante, je ne suis pas bien vaillant aujourd'hui.
Médale se dit pour médaille. Sous sa forme mouillée, ce mot vient d'Italie. Sous la forme que nous lui donnons, en Acadie, il est possible qu'il vienne du latin métallum. En tous cas, on peut croire qu'il se prononçait en France (peut-être s'y prononce-t-il encore) comme nous le prononçons, puisque nous trouvons médalle dans plusieurs écrits anciens et plus récemment dans Calvin (XVIe siècle) qui, dans ses Institutions, l'écrit constamment avec un seul 1 : ... " Figures ou médales, etc. "




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.