L final
Non seulement dans le parler populaire, mais chez "les honnêtes gens " et à la cour, l'
l final ne se faisait plus guère entendre, au XVIIe siècle ; il tombait dans les pronoms, dans les adjectifs et même dans les substantifs, comme l'
l médial dans
hault, il
fault, etc., s'était depuis longtemps
éteint1. Ce sont les puristes et les grammairiens qui l'ont galvanisé, qui lui ont insufflé l'air vital qui fuyait ses poumons, qui l'ont, en un mot,
ravigoté2.
Prenons, par exemple,
il, dérivé du latin
illum. C'est la graphie savante qui a conservé, pour l'étymologie, l'
l sonore de ce mot. Du livre il a passé à la langue parlée.
Voici ce que Chifflet, grammairien contemporain de Molière et de Bossuet, dit de la prononciation de ce pronom, et les règles qu'il en donne : " L'
l mouillé, écrit-il, ne sonne point devant les consonnes :
il dit, prononcez
i dit ; ni aux interrogations : que
dit-il ? prononcez
que dit-i ?
Parle-t-il à vous ? Dites
parle-t-i à vous ? Mais, hors de l'interrogation, il sonne
l devant les voyelles :
il a, il aime. Au pluriel, il ne sonne que l'
s :
ils ont, dites
iz ont. " C'est absolument la manière populaire acadienne et canadienne. Nous disons, devant une consonne, au singulier :
dit i, pour
dit-il ;
i m'attend, pour
il m'attend, et, devant une voyelle,
il arrive,
il est bon, en faisant sonner l'
l.
Au pluriel, l'
l tombe et
z prend la place de
s, pour les liaisons, devant une voyelle :
iz ont raison,
iz attendent votre réponse. Cette prononciation n'est guère éloignée de celle qu'on entend encore à Paris dans la conversation courante
3. L'
l sonore dans ces mots, est une prononciation livresque.
1. – Le mot éteindre étend sa signification, en Acadie au delà du cadre que lui donne le Dictionnaire. Il s'emploie jusque dans le sens d'abattre, de tuer : Avec ce fusil, je peux éteindre une outarde à cent pas, me disait un vieux chasseur.
2. – Ravigoter, signifie, en Acadie, faire revenir à la vie, proprement ramener le souffle dans le got ; ravigoter un noyé ; le malade a ravigoté.
3. – " Il devant une consonne s'est prononcé i jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. C'est seulement en 1763 (date de la cession du Canada à l'Angleterre) que Wailly propose de prononcer il, pour éviter des équivoques. " Th. ROSSET.