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Montagne, ces deux vocables jumeaux représentant deux nasalités différentes du mot antique montain1, tiré du bas-latin montaneum.
Jean de Meung, le continuateur du Roman de la Rose, et Meung-sur-Loire, où il est né, me paraissent fort apparentés au comté de Mun, qui vient de mourir.
Au XVIIe siècle, Maigret propose de supprimer le g " en tous vocables, esquelz nous le faisons final, comme ung, chacung, besoing, etc. "
Le décret grammatical de divorce entre n et g arriva trop tard, au moins pour un certain nombre de vocables, qui continuèrent à vivre de la vie commune, et dont l'Académie s'est vu forcée de légitimer l'alliance.
Signalons parmi ces alliances libres que légitime l'Académie française, mais qui ont laissé une progéniture mal assortie : Allemagne, dont les habitants sont des allemands (épelés quelquefois allman, hommes de partout) ; Champagne, qui a laissé Champenois2, compagnon, compagne, compagnie3, défiguration de compain, cum, panis, celui avec lequel on partage sa dernière croûte et dont les écoliers ont fait copain ; Bretaigne, pour Bretagne, d'où viennent les Bretons, Brittain en anglais ; bain, d'où nous vient baigner et baignoire ; craignit, qui est formé de craindre ; malin, maligne4 ; benin, benigne, etc.
La lutte, terminée en France à la première apparition du

1. – Les Acadiens, à côté de montagne, disent des montains, ce dernier vocable signifiant une étendue de montagnes. Les Anglais ont conservé mountain, qu'ils tiennent des Normands.
2. – Champagne, campagne, campiègne, dérivés du mot, campania, dont campum est le radical. Campania a donné proprement Campan, nom de la belle vallée de l'Adour, dans les Hautes-Pyrénées.
3. – Nous disons plutôt compagnée: bonsir la compagnée. On trouve compagnée dans les auteurs anciens. " Il se faisoit aimer et admirer à la compagnée. " D'AUBIGNÉ. Les Anglais ont gardé company, prononcé commpené.
4. – Nous disons malin au masculin, et maline au féminin. On trouve maline dans La Fontaine. C'était la bonne manière de dire, au XVIe siècle parmi le peuple.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.