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CHAPITRE XIII



Les Diphtongues
Oi, ou, our, oui, eau, oir, ouer :
Oi


Le mot reine, issu de regina, fournit un exemple des vicissitudes, de l'ei latin passant au oi français. On trouve reine, faisant trois syllabes, dans la Chanson de Roland. (XIe siècle).
Au XIIIe siècle, c'est roïne, toujours de trois syllabes, que nous avons dans la célèbre pièce de vers adressée à Alix de Champagne, régente de Philippe Auguste, par Quène de Béthune, dont on avait raillé la prononciation picarde. Puis ce fut royne, qu'on écrivit, à côté de roy ; puis roine, comme dans cette phrase de Margot, XIVe siècle : " Le danger icy est si grand que je n'ouse escripre au roy ni à la roine. "
Le grammairien DesAutels se plaint, peu de temps après, qu'on ait laissé tomber royne pour dire reine. Un autre grammairien, contemporain de Henri IV, et des plus considérables, H. Estienne, veut qu'on prononce rouène. Il y en a pour tous les goûts. Nous disons rène, en Acadie, avec l'è ouvert que recommandait le même H. Estienne. Rène et reine, c'est tout un.
Au commencement du XVIIe siècle, l'actuelle syllabe oi du français officiel, donnait, en France, six sons différents : è, é, wè, wé, wa, wâ.
J'en retrouve trois, bien distincts, en Acadie : un è ouvert dans boète, coèfe, parouèce1, armouère, tirouère, pour boîte, coiffe, paroisse, armoire, tiroir ; un é fermé dans frét, réde, pour froid, roide2 ; et , dans mwâ, twâ, rwâ, pour moi, toi, roi.

1. – " Faisant bonne troigne parmi ses paroueciens. " RABELAIS, Pantagruel, Nouveau Prologue, p. 433.
2. – Ce n'est que depuis 1835 que l'Académie permet que l'on écrive raide ; c'était roide, auparavant.
J'ai entendu prononcer roide dans certaines familles acadiennes ; mais raide est la manière quasi universelle.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.