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"Ai se prononce comme un e féminin dans quelques temps du verbe faire que voici : nous faisons, je faisais, tu faisais, il faisait, nous faisions, vous faisiez, ils faisaient, faisant : prononcez, je fesais, nous fesions, etc. "
C'est exactement, dans ces mots, la prononciation acadienne.

Ou, our, our, ui, eau.

Nous avons, à la lettre o, examiné la diphtongue orthographique ou, et montré que les Acadiens chousent aussi vigoureusement aujourd'hui que les Parisiens le faisaient dans le bon vieux temps.
Ce vers de Jehan de Meung, XIVe siècle :
Tendre ot la char comme rousée,
ne chouse qu'à demi. Chez nous il chouserait totalement, et nous dirions : Eut la chair tendre coume de la rousée.
Malgré les Quarante et les décrets des grammairiens, le peuple de plus d'une province de France préfère toujours à o, qui est presque guttural, ou qui s'arrondit harmonieusement au bout des lèvres allongées. Dans ou, la ligne est plastique et flexible ; o est plutôt sec et cassant.
M. Gabriel Nigond a intitulé l'une de ses plus touchantes poésies : L'Hounête fille : " J'suis travailleuse et boun' chrétienne, dit-elle ; et, la voyant seule, avec " son grous chein blanc ", nous nous apitoyons à son sort malheureux.
Le Général Thoumas, mort dans ces dernières années, est un exemple glorieux de ou pour o.
Quoique n'ayant peut-être pas autant de valeur militaire que le général français, tous nos Thomas d'Acadie sont, comme lui, des Thoumas.
Certains mots et certaines syllabes en our, qui ne proviennent pas du pro latin, se disent or, en Acadie : torner, séjorné, jornée, torteau, tortière, s'en retorner, etc., pour tourner, séjourné, journée, tourteau, tourtière, etc. Ici c'est le français officiel qui chouse.
On trouve ces mêmes mots écrits par or dans Cotgrave et dans




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.