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CHAPITRE XIV



Liaisons
Superlatif ; Analogie ; Négation ; Liaisons et lettres
euploniques

Les liaisons ne sont pas, chez nous, toujours conformes à celles que l'on trouve dans les auteurs. Elles sont plutôt celles que l'on entendait en France, aux XVIe et XVIIe siècles, chez le peuple. Des t sont mis là où l'Académie veut des s, et inversement des s où il faut aujourd'hui des t. Nous disons, par exemple, cent-z-hommes, au lieu de cent-t-hommes ; avant-z-hier, pour avant-t-hier. Quand nos paysans disent : avecques-eux, avecques-elles, en liant ensemble les deux mots comme avec un z, ils parlent, avec le Roman de la Rose, avec Ronsard, avec Racan, la langue des dieux ; ils font sans s'en douter, sans le savoir, des vers antiques. M. Jourdain, dans les mêmes conditions, ne savait faire que de la prose.
Le plus souvent, les mots se suivent sans liaisons orthographiques, comme il arrivait, en France, aux XVIe et XVIIe siècles, dans la langue parlée, même chez les " honnêtes gens, " même chez les habitués de l'Hôtel de Rambouillet.
Nous disons un ran-élevé, un san-impur, et non pas un rang (ranque) élevé, un sank-impur.
On ne trouve pas chez nous de ces intercalations de lettres euphoniques, qui émaillent le parler de certains paysans de
France, comme j'ai-z-été, on-zi-a, j'suit-avec-vous ; nous disons j'ai été, on a été, j'sui avec vous, comme ils disent, je crois, sous la Coupole sacrée.
Les auteurs écrivent et les lettrés disent : l'on a, l'on pense, à côté de on a, on pense. Cet 1 est pour l'euphonie.
Il existait, comme nous l'avons vu, une autre consonne euphonique, n, dans la langue parlée, à Paris, au temps où Port-Royal d'Acadie fut fondé.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.