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Ni tribu, ni smalah ne vaut pourginée, pour le sens direct, ou pour la grâce de la forme.
La métathèse, puisqu'il faut l'appeler par son nom, réclame, du parler acadien : bertelle pour bretelle, dont l'origine est inconnue ; berloque, pour breloque, autre mot dont on ne connait pas la provenance ; escouer, de succutare, pour secouer ; escousse, dans le sens de espace de temps, pour secousse, de succussa ; guernouille, de ranumcula, pour grenouille ; guerlot, dont l'origine est inconnue, pour grelot ; guernier pour grenier, formé sur le mot latin granarium.
Nous avons, en plus, certains mots purement acadiens, guernages, par exemple, fruits sauvages, du radical granum, suivi d'un suffixe en age ; guerné, pour grenu, même origine, moins le suffixe1.

Superlatif

Le superlatif, qu'il s'agisse de personnes ou de choses, est une forme d'exagération, qui confine au mensonge. Nul homme, ici-bas, n'est le plus grand ; nulle créature n'est la meilleure, absolument. C'est à peine si la chose peut se dire par comparaison. Aussi ne trouve-t-on pas dans la langue française, langue honnête entre toutes, de ternie qui l'exprime proprement. Pour y arriver, il faut recourir à une périphrase : très, du latin trans, s'il s'agit du superlatif absolu ; le plus, le meilleur, s'il s'agit d'un comparatif que l'on accole à l'objet que l'on veut magnifier.
La langue celtique que parlent les Bretons bretonnants, non plus que la langue hébraïque, n'ont pas de mot qui l'exprime directement.
Quand David veut nous laisser entendre que le grand prêtre Aaron portait une barbe très longue, il a recours à une répétition : barbam, barbam Aaron.
C'est aussi la manière de nos paysans : Elle est belle, belle, pulchrissima en latin) ; Il fait chaud, chaud, aujourd'hui ; " Il

1. – Grenage est un mot français, mais avec un sens tout différent.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.