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une miette de pain, une goutte d'eau, un brin de bois, etc. On entend même dire, en Bourgogne : un brin d'air et, en Belgique : une goutte de bois. Nous disons aussi : Il n'y a pas un brin d'air.
Ne était depuis longtemps tombé, dans le parler du peuple de France, quand l'Acadie et le Canada furent colonisés (Commencement du XVIIe siècle). Ni les Canadiens ni les Acadiens n'ont songé à le rétablir. Les maisons d'éducation, où la langue académique est enseignée, ici comme en France, l'imposent, il va sans dire. Mais, dans la langue parlée, en dehors des écritures, personne ne s'en embarrasse guère, même les lauréats de nos collèges, même les demoiselles des couvent les mieux diplomées. Il faut un effort pour s'en servir.
Une certaine disposition de mots, qui semble incorrecte, quoiqu'on la trouve chez les meilleurs auteurs : " Je ne fis pas semblant de croire " (Marmontel) ; " Je ne fis pas semblant de voir " (J. J. Rousseau), pour : Je fis semblant de ne pas voir, je fis semblant de ne pas croire, est la seule construction employée en Acadie.
Les très vieux auteurs ont quelque chose qui y ressemble :
Vos en iroiz - pas ne m'en poise
Que ne seroie pas cortoise
S'il n'e pesoit de nule rien.
PERCEVAUX, Li Galois.


Nous disons : Fâche-toi pas ; parle pas. Je trouve dans le Parler-Français, de Québec : " Parls-y pas ". Toutes ces tournures viennent de France.
Vient de France également : " Il la laissa (Madame de l' Archant) qu'elle n'avait que trois ans, encore pas. " BRANTOME, La Chastaigneraye.
Ce pas final se retourne en Acadie : " Pourquoi dire des chouses qui sont pas ? " Les Canadiens le connaissent aussi. J'ai entendu, à Québec même, une femme dire à son mari qui la taquinait : Laisse-moi tranquille, je t'aime moins que pas.
Pas, le temps qu'il faut pour faire un pas, est, en somme, une expression suffisante pour désigner une chose de courte durée, ou même un objet de peu de valeur. C'est une négation incomplète : mais enfin, renforcée par miette, goutte, etc., c'est au




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.