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moins un succedané. Mais, quand il s'agit de choses abstraites, ou de considérations morales, la pauvreté, l'insuffisance de pas, comme terme de négation, saute aux yeux. Le peuple s'en rend compte, sans trop savoir comment y remédier.
Un jour qu'on parlait devant moi d'un paysan, au crédit duquel on mettait une action généreuse, quelqu'un protesta en ces termes, dont je fus frappé : " C'est pas le cas, il en est indigne capable. "
Indigne, mué en adverbe, me semble une forme de négatif préférable, ici, à pas ou point.
Pour faire un pas, il faut un certain temps, quelque court soit-il. Point, le point géométrique, est le néant absolu. Aussi nos gens l'emploient-ils seul, sans auxiliaire : J'en veux point.

Expressions particulières

Le Firmament ; la Neige ; la Glace ; la Forêt ; la Mer.

Toute langue vivante évolue. Les langues humaines ont à tel point évolué, qu'elles sont devenues étrangères les unes aux autres. Ne s'entendant plus, elles se sont prises à douter de leur commune origine.
Mille causes contribuent à diversifier le parler parmi les hommes. Les plus effectives sont les guerres, quand elles sont suivies de l'imposition d'un régime nouveau, ou accompagnées du rapt des femmes. Les enfants nés de pères et de mères parlant un idiome différent créent des mots hybrides, qui restent et qui font souche.
Il existe d'autres agents, moins violents et partant moins rapides, d'altération des langues : les migrations en pays lointains ; un changement de climat affectant les cordes vocales ; les relations internationales ; le commerce ; des besoins nouveaux ; des habitudes de vie nouvelles ; l'usure des mots ; le contact avec une langue étrangère ; la nécessité où l'on se trouve, tel Adam au paradis terrestre, de donner à des objets nouveaux, des noms appropriés.
En mettant les pieds sur le sol d'Amérique, les colonisateurs français du XVIIe siècle, tant ceux de l'Acadie que du Canada,




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.