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facilement, ce qui équivaut à dire que la neige adhère à leurs sottilles1.
Les enfants se livrent alors à l'un de leurs jeux favoris d'hiver qui est de se garocher2 avec des pelottes de neige.

La Glace

Les hivers de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick ne sont pas tout à fait ceux des environs de la Loire. La glace, par exemple, y gèle plus épais3. Soulevée et abaissée par les marées, elle jarce4. Ces jarces (gerçures) finissent, au printemps, pour faire de véritables craques5, qui parfois, s'élargissent en saignées6 et deviennent des dégelis7.
Souvent l'eau de mer monte par la craque et s'épare8 sur la glace, où elle forme un mélange liquide épais, que le froid ne parvient pas à congeler. Cette neige en bouillie s'appelle salange9.
La glace se forme, comme chacun sait, à la surface de l'eau. Parfois, cependant, quoique assez rarement, elle prend simultanément, à la surface et au fond. Celle du fond, le anchor ice

1. – Sabot des chevaux.
2. – Se jeter des pierres ; une pierre s'appelle une roche, en Acadie. Le radical roche entre évidemment dans la composition de ce mot. Appliqué à des pelotes de neige, c'est une catachrèse. Garrocher est un ancien terme de marine.
3. – Epais est ici employé adverbialement, comme le serait, en français dans la même phrase, le mot dur.
4. – Pour gerce, du radical latin garsa. Devant la liquide r c'est presque toujours un a, au lieu d'un e, que l'en trouve en Acadie : sarcueil, sarge jarbe, (gerbe), etc.
5. – Grosse fissure, fente. Ne s'emploie que dans ce sens. En France et au Canada, craque se dit vulgairement pour menterie.
6. – Ouverture béante dans la glace.
7. – Grandes mares liquides laissées libres par les glaces.
8. – Epandre. Le français a gardé l'adjectif épars. Se disait aussi espaler, dans l'ancien français, par le changement fréquent de l'r en 1. Du latin spargere.
9. – Par analogie avec le salange des marais salants. Du radical latin sal.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.