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Mais il s'en trouvait aussi qui étaient particulières à l'Amérique, et que les nouveaux colons voyaient pour la première fois. A celles-ci ils donnèrent les noms qu'ils trouvèrent les plus appropriés, guidés par l'analogie, ou, en tirant simplement sur leur imagination.
La picea alba Canadensis, white spruce en anglais, que les Canadiens appellent épinette blanche, s'appelle prusse, ou bois de prusse1, en Acadie.
L'abies Canadensis, le hemlock des Anglais, la pruche des Canadiens, est désigné, chez nous, par le mot assez étrange de aricot ou haricot.
Nous appelons violon, le tamarack des Anglais, l'épinette rouge des Canadiens, le larix americana des savants.
Il y a eu décidemment confusion quelque part. Violon pour épinette rouge parait étrange. 11 le parait moins, quand on se rappelle que le mot épinette est le nom d'un instrument de musique précurseur du piano.
Il existe relativement à la flore, d'autres expressions assez typiques. Les berlicocos2, par exemple.
Nous avons les hêtrières, les sapinières, les érablières, les lissières, les cédrières3, etc., et les harriers4.
La forêt était plutôt un obstacle à la colonisation, tant il y avait et tant il y a encore, dans les larges5, de bois debout6 qu'il

1. – Cartier (1534) emploie le mot pruche pour désigner un arbre propre à la mâture. On le trouve également dans Champlain et dans Denys, avec le même sens. C'est l'épinette blanche des Canadiens. Prussian fur plank. " Nom que l'on donne quelquefois aux bordages en bois de sapin de prusse, dont on se sert pour la construction des navires, en particulier pour la bordée ". Dict. de Bonnefoux et Paris.
2. – Petite boule qui se forme à l'extrémité des branches de sapin et de tous les conifères à aigrettes. C'est aussi le nom de l'escargot. Encore un mot pris au vocabulaire de la mer.
3. – Terrain couvert de hêtres, de sapins, d'érables, de pins, de bois à lisses, de cèdres, etc. La France a les hêtraies, les cerisais, les saulnaies, les chênais, les aulnais, les frênais. Flaubert a hêtrée : " Quelle fraîcheur sous la hêtrée ! " Mme BOVARY.
4. – Arbustes pliants et souples, dont on fait les harts.
5. – La grande forêt. Terme maritime analogique.
6. – Bois sur pied.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.