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Les échafauds, scaffold en anglais, qui servent à plusieurs emplois honorables dans l'empire britannique et ses colonies, désignent, ici, une petite construction bâtie sur pilotis, au bord de la mer, et servant à faire sécher la morue. Seulement, au lieu de échafaud, c'est chafaud que nous disons1.
Un chef-d'oeuvre, c'est ce que chacun de nos écrivains fait, ou croit faire, lorsqu'il compose un livre.
Chez nos pêcheurs du Nord, moins ambitieux, un chef-d'oeuvre c'est simplement un échafaudage quelconque.
Vigneau, recueilli par Littré, est un autre terme en usage, ici, avec la signification de banquette à faire sécher la morue, qu'il a en Normandie.
La chaudenette est " une sorte de scène qui se tend près des échoueries, ou roches, sur lesquelles les loups-marins ont l'habitude de venir se reposer, s'échouer, en montant, ou à la marée montante ". Henri de PUYJALON2.
Mettre la morue à l'arrime, en galère, au petit mouton, sont des expressions bien vieilles, qu'on trouve dans les anciens documents, et qui s'emploient couramment par nos pêcheurs. Ce sont les diverses manières de disposer la morue sur les vigneaux, durant la séchaison.
Pour retrouver l'exact endroit où ils ont fait une bonne piole3, ils prennent des amets4.
Le fer était rare, en premier. Pour ancres, ils avaient des picasses5, moins sûres, mais plus aisées à déraper.

1. – Chafaud ou échafaud, c'est le même mot et la même chose. Nous employons aussi chafaud dans le sens de échafaudage, absolument comme en France. Le préfix e, que l'on trouve dans le français, n'est que l'agglutination de l'article, le chafaud devenu l'échafaud, tout comme la Cadie est devenue l'Acadie. En Bourgogne et ailleurs, chafaud signifie fenil, carré à foin. On trouve dans Joinville : " Ou chafaut que l'on ot establi fut porté. " Amyot écrit le mot chafault, et Froissart, au pluriel chaffaux.
2. – C'est le trap-net des Américains, et, aussi, je crois, le thonaire des pêcheurs de thon de la Méditerrannée.
3. – Une bonne pêche ; où ils ont trouvé la morue en abondance.
4. – Points de repère.
5. – Ancres faites avec une pierre amarrée à un câble.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.