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le marchand. Celui qu'on gardait à la maison était mis en sac, ou bien on l'épârait au grenier, pour sécher.
La baillarge1 et la seigle2, se traitent de la même manière que le blé. L'aouaine3, elle, se coupe à la faux, tout comme le foin.
Nous avons maintenant, comme tout le monde, la faucheuse, la lieuse, la ramasseuse, la chargeuse ; mais il n'en sera pas question ici : ce sont engins et mots nouveaux.
Le fauchage4 est un des plus virils travaux de la ferme. De grands gars forts et robustes, se font quelquefois rouler dans cet art par de petits hommes frêles. Il faut savoir tenir son faux-manche5, bien prendre ses andains6, bien repasser sa faulx, et ne jamais lui donner de morfil. Trois, quatre faucheux se mettent en rang. Gare aux premiers, s'ils ne peuvent pas garder leur distance!
Le foin est laissé en andain le temps de sécher ; puis il est mis en rante7 et en mulerons8. Ensuite, on l'entre avec des charrettes à grands charretis. C'est un art difficile que de bien charger un voyage de foin. Il faut deux hommes, l'un pour donner à la fourche, et l'autre pour faire la charge. Une femme, un enfant suffit pour râcler, c'est-à-dire, ramasser les râclures. Le voyage bien chargé, on le peigne au rateau, et on le perche solidement.
Quand la grange est trop petite pour contenir toute la récolte, ou qu'il n'y a pas de grange, après avoir amuleronné9 le foin, on le met en barge10. Si, au lieu de foin doux, c'est du grand foin,

1. – Orge.
2. – Est du genre féminin, en Acadie.
3. – Avoine.
4. – L'acte de faucher.
5. – Le manche de sa faux. Cette inversion se retrouve dans quelques autres expressions acadiennes : du franc-bois, etc.
6. – Foin ou grain mis en laize par la faux du faucheur. Se dit de la largeur du ruban abattu d'un coup de faux.
7. – Ados de foin ou de grain fauché, formé de la réunion de plusieurs andains. L'opération se fait au rateau. Mettre du foin en rante ; faire de grosses rantes. Se dit rande en Berry ; arrou, en Anjou.
8. – Diminutif de meule. "Muleron de foin" Cake of hay. COTGRAVE.
9. – Mettre en mulerons. "Meulonner. To take up hay into cakes " COTGRAVE.
10. – Grosse meule.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.