équivaut, pour celui qui a tenu les
mancherons1 de la charrue, à un brevet de bachelier universitaire. C'est avec des
chevals2 qu'on
raboure, aujourd'hui. Autrefois, c'était avec des boeufs. Durant la grande persécution, ce fut souvent, faute de l'un et de l'autre
attelage, avec une
tranche3, qu'on grattait, qu'on déchirait, qu'on
tranchait la terre.
Ce qu'il y a de plus malaisé, c'est de bien
andayer4 sa planche, et ensuite, de la bien
endosser5.
Du temps où on labourait avec les boeufs, il fallait quelqu'un pour
toucher6, un
toucheron7. Un bon
laboureux, aujourd'hui, ses
cordeaux8 passés derrière le cou, mêne tout seul sa paire de
chevals, trace tout seul son premier
seillon9.
Un piquet planté à l'autre extrémité de la pièce lui servira d'
âmet10, et cela suffira. Seul aussi il finira la
raie.
Dans les bonnes terres, tout se laboure, même les
shintes11.
Le parfait
laboureux prend ses oreillers12,
de la même creuseur13 les
vire14 d'uniforme façon, sans les faire
empatter15 l'un plus que l'autre. De cette manière, son labour est parfaitement
1. – Manche.
2. – La distinction entre cheval au singulier et chevaux pour le pluriel n'existe pas en Acadie.
3. – Pioche, bêche, dont la lame est en une seule pièce. Diffère de la houe bident dont on se sert en Anjou et en Santonge. Nous avons aussi la tranche à fourchons, avec laquelle on arrache les patates.
4. – La même chose que enrayer. Formé, je crois, sur andain.
5. – Bien arrondir le milieu, le bilon.
6. – S'emploie absolument pour toucher les boeufs à l'aiguillon.
7. – Toucheur.
8. – Guides.
9. – Sillon.
10. – Repère.
11. – Bordure non labourée dans un champ labouré. M. Adjutor Rivard, après René Bazin, écrit chintre. Peut s'écrire cheinte, ou chainte, mais l'r est de trop, je crois.
12. – Largeur du sillon que retourne le versoir de la charrue. Le versoir s'appelle l'oreille de la charrue, en Acadie, et le sillon l'oreiller.
13. – Profondeur, épaisseur : d'égale profondeur.
14. – Retourne.
15. – Empiéter, en anglais overlap.