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CHAPITRE XVIII



Habitudes de vie ; Jeux et Amusements ; la Nourriture ;
choses de Religion ; les Amours ; l'Honnêteté
Habitudes de vie.


Il entrait beaucoup de philosophie dans la manière de vivre des Acadiens d'autrefois. En attendant l'au-delà, ils se contentaient du présent, de la joie de vivre, qu'ils faisaient, le plus qu'ils pouvaient, communicative et sereine.
Pas d'âpreté au gain, et partant au travail. Surgite postquam sederitis. Ce que David recommandait aux Juifs, ils le pratiquaient, sans en connaître le précepte latin. Ramasser1 ce qu'il fallait pour bien vivre et établir ses enfants, soit ; mais à quoi bon davantage ?
Aussi n'y avait-il jamais de presse2 chez eux, sauf à la saison des semences et de la cueillette. En tout autre temps, ils se mettaient généralement de haute-heure3 au travail, et débauchaient4 avant le coucher du soleil, assez tôt pour être de retour à la maison avant la brunante5.
Par les matinées secques6 de décembre et de janvier, cependant, quand le blé s'égrugeait bien7, il fallait décaniller8 au petit jour9, pour aller battre au fleau (prononcez flau), dans l'aire de la grange.

1. – Amasser, thésauriser.
2. – De hâte.
3. – Tard ; le soleil haut levé.
4. – Débaucher, ici, c'est laisser son travail, sa bauche. Nous employons aussi ce mot dans ses autres sens.
5. – La tombée du jour.
6. – Sec fait secque, au féminin, comme en Normandie.
7. – S'égrenaient bien, se détachaient bien de l'épi.
8. – Se lever prestement, comme un chien (canis) décanille, quand on l'appelle.
9. – A la pointe du jour.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.