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CHAPITRE XIX



Termes marins ; Flore ; Grainages et Légumes ;
la Voirie ; Météréologie ; Charpentrie ;
Maison et dépandances ; Jurements


Beaucoup de termes marins furent, dès le commencement de la colonie, transportés du large à terre, où ils sont demeurés. A vrai dire, un assez bon nombre avaient déjà atterri, en France même. Leur sonorité, leur plus grande énergie, les avaient fait préférer à leurs synonimes terriens, auxquels ils s'étaient substitués.
Nous embarquons en voiture, au lieu d'y monter. En France, on s'y embarque, avec le même verbe au pronominal ; Madame de Sévigné " s'embarque dans la vie " ; Jean-Jacques Rousseau " s'embarque dans des réflexions philosophiques ".
Nous débarquons, de la même façon, aussi bien de cheval, d'un objet où nous sommes juchés, de voiture, que d'un vaisseau, ou d'une barque.
Mâter, c'est proprement aplomber comme un mât, relever verticalement un objet par un bout, dans le sens de sa longueur, par opposition à canter1. Au figuré, un cheval se mâte, quand il se redresse sur ses jarrets, et une personne se remâte, comme un animal se regriche2, lorsqu'elle se redresse pour se défendre, résister, ou attaquer.
Nos voitures chavirent, tout comme nos embarquations, au lieu de verser ; mais un homme aussi se chavire. Une personne chavirée est celle qui a perdu la tête3. Nous disons aussi : la tête me chavire pour me tourne.

1. – Canter, poser de champ, relever ou pencher par le côté. On cante aussi sa chaise, en la renvoyant en arrière.
2. – Se rebiffe, regimbe.
3. – C'est ici le sens propre de chavirer.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.