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CHAPITRE XXIII



Patois


- Do you speak Parisian French, Madam ?
- Before I answer your question, permit me to ask you if you speak London English.

Cette réponse socratique, que j'ai entendue de mes oreilles, à une question frisant l'impertinence, est bien celle qui est le plus propre à faire sentir la différence qui existe, chez ceux de la classe instruite, entre le français du Canada et celui de France. La langue est la même. La différence, assez perceptible, est dans les intonations, dans les flexions vocales, dans les accents oratoires, dans l'intensité du timbre, dans la chute des fins de phrases : des archaïsmes de prononciation, des nuances, le plus souvent.
Ces nuances sont marquées surtout dans la prononciation des voyelles a, e, o, et des diphtongues ai, oir, et oire.
L'a est plus ouvert, à Paris, plus sourd, en Acadie. Notre ais donne, à l'imparfait des verbes, le son ès, ce qui le distingue clairement du ai des prétérits et des futurs : j'aimès (j'aimais).
Oire a gardé, ici, le son ouère, qu'il avait dans l'Ile-de-France, au XVIe siècle : armouère, purgatouère. Les infinitifs de la 3e conjugaison donnent également ouère : avouère, pour avoir, prévouère, pour prévoir.
Dans un grand nombre de substantifs masculins terminés par oir, l'r tombe : un tiroué, un rasoué, un battoué, pour un tiroir, un rasoir, un battoir.
Le e, dans père, mère est fermé et se prononce pére, mére, comme il se prononçait en France, il y a trois siècles.
Notre o donne franchement le son plein qu'il avait au XVe siècle, dans le corps, aussi bien qu'au commencement et à la fin des mots : ôrage, encôre, môrt, échô. En France, aujourd'hui, on le reconnaît à peine, dans les syllabes en or, où il s'atténue chromatiquement jusqu'en a : encare.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.