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senter sur un plateau d'argent, en état de parfaite conservation ; c'est le mot got.
Got, prononcé go, signifie le canal par lequel les aliments passent de l'arrière-bouche à l'estomac ; c'est tout ensemble l'intérieur du larynx, la trachée-artère, l'oesophage. Si vous me demandez une définition plus précise de got, je vous répondrai avec Pascal : " En poussant les recherches de plus en plus, on arrive nécessairement à des mots primitifs qu'on ne peut plus définir. "
Got n'est ni une greffe, ni un dérivé. C'est de toute évidence, un primitif monosyllabique dont la signification est constante partout où on le retrouve. Et on le trouve, avec la même invariable signification, parmi tous les Français issus d'Acadiens : à la Nouvelle-Ecosse, à l'Ile du Prince-Edouard, au Nouveau-Brunswick, aux Iles-Madeleine, au Labrador, dans les Etats de la Nouvelle Angleterre, à la Louisiane, à Terreneuve, etc.
Ce mot de modeste apparence est le père commun d'une nation1 de vocables en go, en gou2, en god, en got, en gus, et, possiblement, en gol en glo et en glou, que l'on trouve dans les lexiques, et qui tous signifient passage, canal, égout, rigole, ou s'y rapportent.
Dans la fable du Loup et de la Cigogne, La Fontaine nous raconte les mésaventures du Loup :
" Un os lui demeurra a bien avant au gosier.
Voilà l'opératrice (la Cigogne) aussitôt en besogne ;
Elle retire l'os. "
Ce loup, s'était tout simplement engoté avec un os ; en d'autres termes, un os lui était resté dans le got, ou dans le go. L'opération charitable, mais combien ingrate! de la cigogne secourable fut de le désengoter, c'est-à-dire, de lui dégager le got. Ainsi dirait-on, en Acadie, directement, sans périphrase.
Toute une pourginée (filiation) de dérivés se rattache de près ou de loin à ce radical vénérable. Une véritable trâlée (suite)

1. – Tribu, famille, grand nombre.
2. – Comme la langue chousait partout, au moyen âge, ou et o se substituaient l'une à l'autre dans un très grand nombre de mots : Pomme, poume, bonne, boune, jornèe, journèe, etc.




Source : POIRIER, Pascal. Le parler franco-acadien et ses origines, s.n., s.l., 338 p.