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  APPENDICES 71
terrible tragédie, voltigent au-dessus de nous dans cette salle, elles doivent frémir de rage de voir un arrière-arrière petit-fils de ces malheureux Acadiens ayant la hardiesse d'apparaître en cette ville d'Halifax, devant un auditoire presque entièrement composé de personnes de langue anglaise, et peut-être aussi peu sympathique, et de mettre à nu, cent-soixante ans après, les tromperies et les noirs desseins de Lawrence et de ses acolytes, en ce crime.

Laissez-moi ici affirmer qu'il y a dans l'Histoire de l'Acadie, ou Nouvelle-Écosse proprement dite, une tache de sang indélébile.

Depuis nombre d'années des écrivains de langue anglaise s'évertuent périodiquement à y passer l'éponge; mais, malgré leurs nombreux lavages, elle y est encore et rien ne pourra la faire disparaître.

La tragédie inqualifiable du Grand Dérangement des Acadiens, en 1755, ourdie par William Shirley, gouverneur de la baie de Massachusetts, et Charles Lawrence, lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, apparemment sans la connaissance ni le consentement du gouvernement de la métropole, restera toujours un stigmate d'opprobre, d'horreur, de barbarie, au front de ses auteurs.

On a beau fausser l'histoire, altérer les faits, même en les appuyant sur des preuves documentaires, fabriquées intentionnellement par des personnes intéressées à vouloir tromper Whitehall et la cour de St-James, jamais on ne parviendra à justifier l'expulsion des Acadiens.

L'historien consciencieux, honnête, impartial, qui, sans parti pris, étudie soigneusement la correspondance relative à ce drame, ne peut venir à d'autres conclusions que la question du serment d'allégeance, qu'on exigeait des Acadiens, n'était qu'un simple prétexte pour pouvoir exécuter le plan infernal de leur bannissement du sol qui les avait vu naître et qu'ils avaient arrosé de leurs sueurs en le défrichant et le cultivant.

La vérité, c'est que par haine du catholicisme et de l'origine française des habitants de l'Acadie, qu'on n'avait pu ni protestantiser ni angliciser, les protestants Shirley et Lawrence tramèrent le drame de la déportation. C'est Lawrence lui-même qui nous l'apprend par sa lettre du 18 octobre 1755, à sir Thomas Robinson, secrétaire d'État, où, en parlant des Acadiens qu'il vient d'expulser, il dit: "Ils ont toujours été sans exception les ennemis acharnés de notre religion."

La vérité, c'est parce que les Acadiens "étaient les propriétaires de la plus grande partie du sol et des meilleures terres de la province", ainsi écrit le même Lawrence le 1er août 1754, aux





Source : GAUDET, Placide. Le Grand Dérangement : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, Ottawa, Ottawa Printing, 1922, 84 p.