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  LE GRAND DÉRANGEMENT 33
ceux des autres districts de l'Acadie en firent autant. Au mois de décembre 1729, au retour de Philipps, gouverneur de la province, les Acadiens d'Annapolis Royal prêtèrent volontairement un serment sans condition. Au printemps suivant les habitants des Mines, de Cobéquid, de Piziquid et de Beaubassin, prêtèrent un semblable serment, mais exigèrent de Philipps un certificat disant qu'ils ne seraient pas requis de prendre les armes ni contre la France, ni contre les Sauvages. De là leur est venu le nom de Neutres.

À l'exception d'une vingtaine, les Acadiens furent fidèles à leur serment, malgré les sollicitations, les menaces même de Du Vivier en 1744, de Marin en 1745, et de Ramezay en 1746 et 1747. C'était pendant la guerre entre la France et l'Angleterre, de 1744 à 1748. La France en profita pour tâcher de reprendre l'Acadie, et à cet effet, en 1744, des troupes furent envoyées de Louisbourg, et en 1745 et 1746, de Québec. Si les Acadiens eussent pris les armes en se joignant aux troupes venues de Louisbourg ou de Québec, le fort d'Annapolis Royal aurait certainement été pris et l'Acadie tout entière serait redevenue, par ce fait, possession française. Les Acadiens ne voulurent pas trahir leur serment, à l'exception d'une vingtaine. Malgré cela, les autorités anglaises d'Annapolis Royal exigèrent d'eux, en 1748, le renouvellement de leur serment, ce à quoi ils se conformèrent de bonne grâce. Mais en 1749, quand Cornwallis voulut leur faire prêter un nouveau serment d'allégeance, ils lui déclarèrent qu'ils étaient prêts à renouveler leur ancien serment, mais tous refusèrent le nouveau que ce gouverneur exigeait d'eux.

Cornwallis, humilié, vexé d'un tel refus, s'en plaignit aux lords du Commerce et des Colonies et au secrétaire d'État. On lui répondit de temporiser. Sous prétexte de maladie, Cornwallis demanda son rappel, qui lui fut accordé, et Hopson fut envoyé en 1752 pour le remplacer. Autant Cornwallis était hautain, autoritaire, autant son successeur était temporiseur, conciliant.

Malheureusement pour nos pères, le séjour de Hopson au gouvernement de l'Acadie fut de trop courte durée. Atteint d'un


cerner les habitants de la rivières Annapolis Royal, réunis au fort. Le gouverneur Philipps était retourné en Angleterre en 1722.

L'extrait suivant, tiré des "Représentations des habitants" de l'Acadie, en 1753, n'a pas besoin de commentaire. Voici: "Et en effet, selon toutes les lois, que peut-on exiger en conséquence d'un serment que l'on fait faire en menaçant d'opprimer, de réduire à la dernière misère, et si on disait que pour avoir ce serment, on fait mettre le monde sous la bouche du canon, fait venir le canonnier mèche allumée comme on l'a fait à Annapolis Royal, un serment de même lie-t-il bien celui qui le fait?" 47b


(47b) Archives publiques du Canada, série M., vol. 653, fol. 240.




Source : GAUDET, Placide. Le Grand Dérangement : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, Ottawa, Ottawa Printing, 1922, 84 p.