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rait les induire à quitter la province, et, par leur nombre, grossir la force des établissements français, et d'un autre côté nous devrions prendre les mêmes précautions afin d'éviter de leur donner une confiance fausse et qui serait contraire au but à atteindre, c'est-à-dire qu'en persistant à refuser le serment d'allégeance ils finiraient ainsi par établir graduellement un droit à leurs terres, et à l'avantage et à la protection de la loi à laquelle, sans le serment, ils n'auraient aucun droit. Il nous fait plaisir de constater que vous semblez être de cette opinion au sujet de cette délicate et importante question en refusant aux habitants qui ont déserté leurs terres d'y retourner, à moins de prêter le serment sans aucune restriction. Nous espérons sincèrement que, dans les circonstances où ils se trouvent, ils seront induits à accepter la condition, et que leur exemple sera suivi par tous les autres habitants." 42

CHAPITRE DIXIÈME.

Continuation de la correspondance de Lawrence.

Depuis qu'il tenait les rênes du gouvernement à Halifax, nous avons constaté que Lawrence s'était donné pour mission, auprès des autorités britanniques de la métropole, de renchérir sur la campagne de dénigrements, de mensonges, de haines, de calomnies contre les Acadiens, campagne qui se faisait déjà depuis nombre d'années, et d'Annapolis Royal et de Boston, avant la fondation de la ville d'Halifax en 1749. Qu'on en juge par la lettre qui va suivre, qui dépeint l'état d'âme de Lawrence envers nos pères.

Comme nous l'avons déjà vu, la dépêche des lords commissaires du Commerce et des Colonies, du 4 avril 1754, parvint à Lawrence le 13 juin suivant, et celui-ci y répondit le 1er août 1754, comme suit: "Il me fait beaucoup plaisir de constater que Vos Seigneuries comprennent d'une manière aussi claire la situation des habitants français. Comme toute modification de l'état de leurs affaires pourrait être d'une grande importance pour cette province, j'y ai porté depuis longtemps ma plus sérieuse attention. De plus, l'expérience que j'ai acquise au milieu d'eux dans l'accomplissement de mes devoirs, m'a permis de me former une opinion sur eux et sur leur mode d'action; et je me permettrai maintenant la liberté de soumettre à Vos Seigneuries les mesures qui me paraissent les plus pratiques et les plus effectives pour mettre fin aux nombreux inconvénients que nous avons éprouvés depuis


(42) Nova Scotia A., vol. 55, fol. 57.




Source : GAUDET, Placide. Le Grand Dérangement : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, Ottawa, Ottawa Printing, 1922, 84 p.