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18 LE GRAND DÉRANGEMENT  
nison. Cette dernière interprétation semble avoir été plutôt votre intention, car vous ajoutez: "Mais cependant, le Colonel Monckton pourrait s'en servir s'il en avait besoin, pour mettre ses troupes à couvert - vu que les casernes du fort français sont démolies - il pourra les employer à faire tous les travaux dont ils seront capables." Quelle qu'ait été votre intention, il n'y a pas de doute que vous n'avez agi que d'après un strict sentiment de sécurité indispensable et immédiat pour votre gouvernement, et non sans avoir considéré les conséquences pernicieuses qui pourraient résulter d'une alarme qui aurait pu se propager dans le corps des Français neutres, et combien subitement le désespoir peut produire une insurrection, et aussi quel nombre additionnel de sujets utiles pourrait être donné, par leur fuite, au roi de France. Par conséquent, il ne peut pas vous être trop recommandé d'user de la plus grande précaution et de la plus grande prudence dans votre conduite vis-à-vis ces neutres, et d'assurer ceux d'entre eux en qui vous pouvez avoir confiance, particulièrement lorsqu'ils prêteront le serment à Sa Majesté et à son gouvernement, qu'ils peuvent demeurer dans la tranquille possession de leurs terres, sous une législation convenable.

Ce qui m'a engagé à attirer votre attention toute particulière sur cette partie de votre lettre, c'est la proposition qui m'a été faite, pas plus tard qu'au mois de mai dernier, par l'ambassadeur de France, - (Mirepoix), savoir: "Qu'il soit accordé trois ans aux habitants français de la péninsule pour s'en retirer avec leurs effets, et que tous les moyens de faciliter ce transport leur soient aussi accordés. Les Anglais devraient regarder sans nul doute cette proposition comme très avantageuse pour eux." À quoi il a plu à Sa Majesté de faire la réponse suivante, que je vous envoie pour votre particulière information, savoir: "Qu'en ce qui regarde la proposition d'accorder trois ans aux habitants français de la péninsule pour émigrer, ce serait priver la Grande-Bretagne d'un nombre très considérable de sujets utiles, si une telle émigration s'étendait aux Français qui habitaient cette province au temps du traité d'Utrecht et à leurs descendants."

Je demeure, Monsieur,

Votre très obéissant et très humble serviteur

T. ROBINSON." *

* Brown Collection. British Museum.

Voir Appendice B pour plus amples détails sur la dernière partie de cette dépêche.





Source : GAUDET, Placide. Le Grand Dérangement : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, Ottawa, Ottawa Printing, 1922, 84 p.