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30 LE GRAND DÉRANGEMENT  
longtemps de leur obstination, de leurs tricheries, de leur partialité envers leurs propres compatriotes et de leur ingratitude pour les faveurs, les bontés et la protection qu'ils ont reçues, en tout temps, du gouvernement de Sa Majesté, sans les mériter.

Vos Seigneuries savent qu'ils ont toujours affecté de conserver la neutralité, et comme on a généralement cru que la sollicitude d'un gouvernement les aurait amenés par degré à prendre nos intérêts, aucune mesure violente n'a été prise contre eux. Mais je dois faire remarquer à Vos Seigneuries que cette douceur n'a pas eu le moindre bon effet, qu'ils ont à présent abandonné toute idée de prêter volontairement le SERMENT, et un grand nombre d'entre eux sont à présent rendus à Beauséjour pour travailler pour les Français à endiguer les terrains autour de cet établissement. J'ai précédemment informé Vos Seigneuries que malgré qu'on leur a REFUSé les passeports qu'ils demandaient, ils se sont rendus sur le côté nord de la baie de Fundy. Et comme ils se plaignaient qu'ils n'avaient pas d'ouvrage des Anglais, on les informe que tous ceux qui se rendraient à Halifax seraient employés; bien qu'en réalité je n'avais aucun ouvrage pour eux, je résolus de leur faire élargir le chemin d'Halifax à Chibenekadie, car je savais très bien que si une fois je les retenais ici, cela ferait remettre à plus tard leur voyage à Beauséjour et ne ferait encourir aucune dépense au gouvernement, parce que j'étais certain qu'ils REFUSeraient de travailler de crainte de déplaire aux Sauvages.

Mais comme ils ne sont pas venus, j'ai, sur l'avis du Conseil, publié une proclamation leur ordonnant de retourner immédiatement sur leurs terres, et que toute désobéissance à cet ordre, de leur part, serait à leurs risques et périls.

Ils n'ont rien apporté sur nos marchés depuis longtemps, mais, d'un autre côté, ils ont tout transporté chez les Français et les Sauvages qu'ils ont toujours approvisionnés, logés et renseignés, et en vérité, tant qu'ils n'auront pas prêté SERMENT à Sa Majesté - ce qu'ils ne feront jamais sans y être forcés et tant qu'ils auront au milieu d'eux des prêtres français incendiaires - il n'y a aucun espoir qu'ils s'amendent. Ils possèdent la plus grande étendue de terres et les meilleures dans cette province. Aucun établissement ne peut se faire efficacement dans la province tant qu'ils demeureront dans cette situation, et bien que je sois très éloigné d'entreprendre cette mesure sans l'approbation de Vos Seigneuries, néanmoins je ne puis m'empêcher d'être d'opinion qu'il serait beaucoup préférable de les laisser partir, s'ils REFUSent le SERMENT.





Source : GAUDET, Placide. Le Grand Dérangement : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, Ottawa, Ottawa Printing, 1922, 84 p.