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chagrin et de leur repentir pour leur conduite passée avant de me décider à leur permettre de continuer à posséder ces terres de grande valeur, et surtout, pour ceux qui se trouvent à des distances éloignées, tels que les habitants de Chipoudie, Memramcouk, Petcoudiac, Gédiac, etc., ainsi répandus sur un vaste territoire entrecoupé par de grandes rivières, et conséquemment en dehors de l'influence du commandement du fort, ces habitants, dis-je, assisteront nos ennemis de toutes manières possibles. Le capitaine Spital me dit que Vergor a tout détruit sur un rayon de deux milles du fort, ce qui nous indique clairement et fortement l'opportunité, sinon la nécessité, de tout ravager au-delà de ces deux milles. Mais une fois bien établis sur l'isthme, nous aurons toujours le temps de faire ce travail de destruction: il est toujours facile de trouver un bâton pour battre un chien, surtout de tels chiens. À tout prix, ne souffrez pas qu'ils prêtent le serment d'allégeance (souvenez-vous que je vous ai défendu cela dans ma lettre du 29 janvier) de peur qu'ils se prévalent de cela pour fonder leurs réclamations." 49

Il ne faut pas oublier que Lawrence et son Conseil n'avaient pas encore officiellement décidé la déportation des Acadiens à la date où cette lettre fut écrite, bien que depuis longtemps Lawrence n'attendait que le moment propice pour mettre ce crime à exécution.

Bien que, par leur dépêche à Lawrence du 29 octobre 1754, les lords commissaires du Commerce et des Colonies lui mandent qu'ils soumettront au roi la question de savoir s'il fallait laisser partir les Acadiens, au cas où ces derniers persisteraient à refuser de prêter le serment d'allégeance, il est étrange qu'on ne trouve rien à ce sujet dans leur lettre au secrétaire d'État du 31 octobre 1754. Faut-il en conclure qu'ils transmirent à Robinson, par une autre lettre, l'extrait de la partie de la dépêche de Lawrence dont il s'agit? Cela se peut, mais la chose n'en reste pas moins problématique.

Admettons, par hypothèse, que telle correspondance s'est échangée, le roi a dû se prononcer sur cette question. Quelle fut sa décision? Fut-elle une réponse identique à celle de Shirley en 1747 ou un refus catégorique? Ou bien encore Sa Majesté permit-elle à Lawrence de chasser ceux d'entre les Acadiens qui refuseraient de prêter le serment d'allégeance absolu? Mystère.

L'écrivain soucieux de sa réputation se gardera de prendre la responsabilité d'affirmer que le roi d'Angleterre a ordonné l'expul-


(49) Vernon. - Wager's Collection in the Library of Congress, Washington.




Source : GAUDET, Placide. Le Grand Dérangement : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, Ottawa, Ottawa Printing, 1922, 84 p.