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20 LE GRAND DÉRANGEMENT  
"Ayant déjà eu l'honneur de vous soumettre cette mesure par ma lettre du 18 octobre, qui contenait les minutes du Conseil et dont je vous transmets un duplicata, je ne crois pas nécessaire d'en dire davantage sur ce sujet." 21

La confession de Lawrence que nous venons de lire établit clairement, sans ambiguïté, que la responsabilité de la déportation des Acadiens retombe uniquement sur lui et son Conseil. Et pour mieux souligner ce fait, je répète ses propres paroles: "Nous avons jugé qu'il était grand temps d'agir - tant pour l'honneur de Sa Majesté que pour la conservation de cette province - nous avons jugé, dis-je, qu'il était grand temps que tous les habitants français, ceux qui n'avaient pas abandonné leurs terres comme ceux qui les avaient abandonnées, fussent embarqués sur des transports, mis hors de la province et dispersés dans les colonies avoisinantes."

Par '"nous", il faut entendre Lawrence et son Conseil, conjointement avec Boscawen et Mostyn, qui, comme on l'a vu, assistaient aux délibérations ayant trait à la déportation. Pour un prétexte à son crime, et tâcher d'atténuer l'odieux d'une action aussi barbare, aussi atroce, Lawrence a l'effronterie, par un vil mensonge, d'en rejeter la faute sur les Acadiens eux-mêmes, en alléguant qu'ils refusaient de prêter le serment d'allégeance sans restriction. Le ton de sa confession nous montre qu'il est mal à l'aise, il sait qu'il a désobéi aux ordres du roi et il s'en excuse en blâmant les habitants français. Quel contraste avec la première partie de sa lettre! Ici il jubile des félicitations qu'il reçoit du roi par dépêche du secrétaire d'État du 30 juillet, à l'occasion de la reddition des forts de Beauséjour et de Gaspareau. Comme Akins, dans ses Selections from the Public Documents of the Province of Nova Scotia, omet cette partie de la lettre de Lawrence du 30 novembre 1755, à Robinson, je la donne ici:

"Votre lettre du 30 juillet m'a causé la plus vive satisfaction qu'il est possible de recevoir. Il m'est difficile d'exprimer combien hautement j'apprécie l'honneur que me fait Sa Majesté en approuvant ma conduite. Soyez assuré, Monsieur, que je m'efforcerai de pratiquer, à l'avenir, dans toute ma conduite, la diligence dans l'action et la fidélité qui m'ont valu une si grande part de la faveur royale.

Permettez-moi de vous offrir mes remerciements les plus sincères pour l'approbation des honorables juges.

Je m'empresserai de faire part au colonel Monckton et à ses troupes de l'honneur qu'il a plu à Son Altesse Royale et à leurs


(21) C.O. 5, vol. 17, fol. 52.




Source : GAUDET, Placide. Le Grand Dérangement : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, Ottawa, Ottawa Printing, 1922, 84 p.