on conserverait par là des terres aux environs de cette place qui sont défrichées et qui sont d'autant plus précieuses qu'indépendamment du fait que les terres propres à être cultivées sont rares dans cette partie de l'Amérique, celles-ci serviraient à l'établissement des Français qui quitteraient l'intérieur de la péninsule; et que pour conserver ces habitants il est d'une extrême importance de leur procurer des terres à proximité." 1
Le 9 mai 1755, M. de Rouillé, alors ministre des Affaires étrangères, expédia deux mémoires au marquis de Mirepoix, ambassadeur de Louis XV, à Londres, et le 15 du même mois, le second de ces mémoires, contenant les nouvelles conditions françaises pour un accord sur la question des limites de l'Acadie, fut remis à Lord Grenville, un des titulaires du département des Affaires étrangères anglais. Parmi ces conditions se trouve celle qui donne aux Acadiens qui habitent l'Acadie anglaise, c'est-à-dire la péninsule, la faculté de se retirer sur le territoire français, savoir sur le territoire qui forme aujourd'hui la province du Nouveau-Brunswick. Le gouvernement britannique attendit plus de trois semaines avant de donner une réponse officielle; elle fut négative. Ce fut le secrétaire d'État, le chevalier Thomas Robinson, qui répondit au nom du roi le 7 juin 1755, comme suit: "À l'égard de la proposition d'accorder l'espace de trois ans à tous les Français qui habitent la péninsule pour s'en retirer avec leurs effets, ce serait priver la Grande-Bretagne d'un nombre très considérable de sujets utiles, si une pareille transmigration devait s'étendre aux Français qui y étaient établis au temps du traité d'Utrecht et à leurs descendants. Par le 15e article de ce traité, ces habitants ont eu à la vérité la liberté de se retirer ailleurs dans l'espace d'une année avec tous les effets mobiliers, mais ce temps étant expiré depuis quarante ans, il n'y a pas la moindre raison pour qu'un pareil droit subsiste à présent et il faut supposer que ceux qui ont voulu y rester sous la domination de la Grande-Bretagne, aussi bien que leurs descendants nés dans le pays, ne quitteraient leurs établissements qu'avec beaucoup de regret, même s'il était possible que le Roi de la Grande-Bretagne put consentir à une proposition si désavantageuse." 2 La Cour de France, dans sa réponse à celle de Londres, dit: "Le premier système des Commissaires anglais étend les anciennes bornes de l'Acadie jusqu'à la rive droite du fleuve Saint-Laurent et jusque vis-à-vis de Québec et au-dessus. C'est l'impossibilité (1) Archives Publiques du Canada. Série F, vol. 113-E, pp. 11-14.
(2) Archives Publiques du Canada. Série F, vol. 113-E, p. 116. |
Source : GAUDET, Placide. Le Grand Dérangement : Sur qui retombe la responsabilité de l'Expulsion des Acadiens, Ottawa, Ottawa Printing, 1922, 84 p.
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