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Les premiers grands moments de la présence française en Acadie :
une décennie fondatrice, 1603-1613

1603-

Pierre Dugua, sieur de Mons est nommé lieutenant général « des côtes, terres et confins de l’Acadie, du Canada et autres lieux en Nouvelle-France » par le roi de France Henri IV. La société commerciale du sieur de Mons, a le droit exclusif de la traite des fourrures en Nouvelle-France pour une période de dix ans. Cependant elle doit également s’engager à établir des colons en Nouvelle-France à raison de 60 par année et à christianiser les Amérindiens.

Pour être en mesure de financer cette expédition, le sieur de Mons décide de s’associer à des marchands de La Rochelle, de Saint-Malo, de Rouen et de Saint-Jean-de-Luz pour former sa compagnie de traite.

1604-

L’expédition de Pierre Dugua de Mons quitte le port français de Havre-de-Grâce en mars 1604 en direction de l’Acadie. Avec les quelque 120 engagés de l’expédition se retrouvent Samuel de Champlain, Jean de Biencourt de Poutrincourt, François Dupont-Gravé et Louis Hébert.

C’est au mois de mai 1604, soit quelques semaines après son départ du Havre, que la flottille du sieur de Mons arrive à la Hève, sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse. L'équipage traverse la baie Française (baie de Fundy), à la recherche de mines ainsi que d'un endroit propice où établir une habitation et un poste de traite. Ils découvrent une petite île en remontant la rivière Sainte-Croix, qui sépare aujourd'hui l’état américain du Maine et le Nouveau-Brunswick.

Ainsi est établie l’Habitation de l’Île Sainte-Croix, le premier établissement français du Nouveau Monde qui allait mener à une présence permanente française en Amérique du Nord. Pendant l’été et l’automne 1604, les engagés travaillent à ériger cette habitation de l’Île Sainte-Croix, c’est-à-dire une douzaine de maisons, une cuisine, un magasin, un réfectoire et une chapelle.

L’hiver 1604-1605 s’avérera un véritable calvaire pour les pionniers de l’Île Sainte-Croix. Une trentaine de colons vont périr du scorbut, que les Français appellent le « mal de terre », une maladie entraînée par la pénurie d’aliments sains et d’eau fraîche.

1605-

Suite au terrible hiver passé à l’Île Sainte-Croix, les survivants de la troupe du sieur de Mons traversent la baie Française et fondent un nouvel établissement qu’ils nomment Port-Royal, situé dans le sud-ouest de l’actuelle Nouvelle-Écosse. La nouvelle Habitation est différente de celle de l’Île Sainte-Croix en ce qu’elle est maintenant formée de plusieurs petits logis entourant une cour intérieure et protégée par une palissade. L’hiver que les Français y passent en 1605-1606 est moins désastreux que le dernier, même s’il fait une dizaine de victimes.

1606-

Au grand soulagement de la petite colonie, le printemps voit arriver un navire chargé de ravitaillement, le Jonas, commandé par le sieur Jean de Biencourt de Poutrincourt, qui avait officiellement reçu la concession de la seigneurie de Port-Royal plus tôt dans l’année. Le sieur de Poutrincourt était accompagné par des hommes qui allaient marquer de façon importante les débuts de l’histoire de l’Acadie, soit Marc Lescarbot, Louis Hébert ainsi que Claude de Saint-Étienne de La Tour et son fils Charles.

L’année 1606 fut plus clémente pour les pionniers français de Port-Royal. Marc Lescarbot y présenta la première pièce de théâtre en langue française du Nouveau Monde, le Théâtre de Neptune, et Samuel de Champlain, durant l’hiver 1606-1607, y créa l’ordre du Bon Temps.

1607-

Au mois de mai, la petite colonie de Port-Royal apprend une bien mauvaise nouvelle avec l’arrivée d’un navire qui transporte une lettre du sieur de Mons. Cette lettre informe les colons que son monopole de la traite des fourrures est révoqué et que toute la troupe doit retourner en France. La garde de l’Habitation de Port-Royal est confiée aux Mi’kmaq et à leur chef presque centenaire, le sagamo Membertou, qui a manifesté beaucoup d’amitié à l’endroit des Français depuis leur installation à Port-Royal.

1608-

Après avoir vécu les expériences d’érection d’habitations et de postes de traite à l’Île Sainte-Croix ainsi qu'à Port-Royal, et à la recherche de plus riches bassins de fourrures, Samuel de Champlain et ses hommes remontent le Saint-Laurent et fondent Québec, appelée à devenir la capitale et le coeur de la Nouvelle France.

1610-

Après trois ans d’interventions à la Cour en faveur du potentiel colonial de l’Acadie, le sieur de Poutrincourt réussit à convaincre un groupe d’investisseurs de financer une nouvelle expédition qui mettra les voiles en direction de sa seigneurie de Port-Royal en février. Parmi les compagnons du sieur de Poutrincourt, on retrouve son fils le sieur Charles de Biencourt, le sieur Claude de Saint-Étienne de la Tour et son fils Charles, ainsi que l’abbé Jessé Fléché, qui baptisera la famille élargie du sagamo Membertou, baptêmes qui seront remis en question un peu plus tard par des missionnaires jésuites.

À leur arrivée à Port-Royal, l’Habitation est en très bon ordre. Membertou et ses Mi’kmaq ont tenu parole et conservé presque intacts les logis des Français.

1611-

Grâce au financement et à l’intervention dynamique de la marquise de Guercheville, aristocrate bien en vue à la cour de France et protectrice des Jésuites, deux missionnaires de cette congrégation religieuse vont pouvoir s’embarquer pour l’Acadie, à la colère des associés huguenots du sieur de Poutrincourt. En mai, les jésuites Pierre Biard et Énemond Massé arrivent à Port-Royal à bord du navire la Grâce-de-Dieu. Un conflit va bientôt éclater entre les missionnaires jésuites et les colonisateurs français, qui ne partagent pas du tout la même vision de leur présence en Acadie.

1613-

En conflit ouvert avec le sieur Charles de Biencourt et ses hommes, les jésuites Pierre Biard et Ennemond Massé quittent l’Habitation de Port-Royal et vont fonder la petite mission de Saint-Sauveur des Monts-Déserts, sur les rives de l’état actuel du Maine. Cette petite mission fut de bien courte durée car la même année, elle est détruite par l’expédition du capitaine Samuel Argall de Virginie. Cette troupe anglaise se rendit à l’Habitation de Port-Royal à l’automne et la trouva déserte, le sieur Charles de Biencourt et ses hommes étant en expédition de chasse avec des Mi’kmaq. Les hommes d’Argall vont piller et détruire l’Habitation, brûler les récoltes et tuer une partie du troupeau d’animaux domestiques. Cette attaque s’avérera un coup fatal pour le premier établissement français à Port-Royal. L’Habitation dite de Champlain n’était plus, et il faudra attendre les années 1630 pour que Port-Royal redevienne le chef-lieu de l’Acadie coloniale.